La pénurie de main-d’œuvre sévit de façon importante dans le secteur municipal. En juin dernier, Le Devoir publiait une série d’articles qui faisaient notamment état de la difficulté des municipalités à recruter des inspecteurs municipaux, les contraignant ainsi à réduire leurs critères d’embauche[1].

Vu ce qui précède, les municipalités ont intérêt à mettre en place des mesures pour conserver leurs ressources humaines et gérer adéquatement le personnel insuffisamment qualifié. Il est ainsi question de deux approches que l’employeur doit garder à l’esprit avant d’opter pour la fin d’emploi dans le but de gérer les cas de rendement insatisfaisant : les approches administrative et mixte.

L’approche administrative
L’incompétence au travail se manifeste essentiellement lorsqu’un « salarié qui ne possède pas les connaissances, l’habileté ou l’expérience nécessaires pour effectuer adéquatement son travail […] ne peut fournir la prestation de travail pour laquelle il a été embauché[2] ».

Avant d’en arriver à la rupture définitive d’un lien d’emploi pour ce motif, tout employeur devrait considérer le cadre élaboré par la jurisprudence en la matière. À ce titre, il est attendu de l’employeur (i) qu’il ait informé l’employé de ses attentes à son égard, (ii) lui ait signalé ses lacunes, (iii) lui ait offert le support nécessaire afin qu’il redresse sa prestation de travail, (iv) lui ait donné un délai raisonnable pour se corriger et (v) l’ait prévenu du risque de congédiement à défaut d’amélioration de sa part[3].

La jurisprudence majoritaire reconnaît également que ces éléments doivent servir de guide pour évaluer la conduite de l’employeur, mais que sa décision doit s’analyser globalement et contextuellement[4].

À titre d’exemple, un employeur peut soumettre un employé sous-performant à un plan de redressement dans lequel ses lacunes sont identifiées de même que les attentes de l’organisation en matière de rendement. Un délai raisonnable sera alors accordé à la personne pour qu’elle puisse démontrer une amélioration significative. Selon les circonstances, un tel processus pourra comprendre l’instauration de mesures de soutien, comme des séances de formation, afin d’accompagner l’employé dans sa mise à niveau.

Cette approche administrative est d’autant plus pertinente puisqu’en pratique, il est souvent difficile de pourvoir un poste laissé vacant à la suite d’un congédiement.

L’approche mixte
L’employeur a parfois du mal à établir la cause réelle d’un rendement insatisfaisant, à savoir s’il s’agit d’incompétence pure (involontaire) ou de négligence (volontaire) de la part de l’employé. Lorsqu’une telle réflexion se pose, il peut être adéquat de considérer une approche dite « mixte », comprenant à la fois des mesures administratives et disciplinaires[5].

Effectivement, lorsqu’il est probable que de la négligence soit en cause, l’employeur peut imposer une sanction disciplinaire afin d’inciter l’employé à corriger sa conduite. Il doit alors respecter, sauf exception, le principe de la progression des sanctions, ce qui implique d’imposer des mesures de plus en plus sévères (ex : avis écrit, suspensions de durée variable, puis congédiement) quand la situation problématique ne se résorbe pas.

Lorsque l’employeur utilise cette approche mixte, « la règle essentielle demeure qu’un employé doit être clairement avisé que son emploi est en jeu et qu’il risque le congédiement, à défaut de correction ou d’amélioration de ses lacunes[6] ».

Conclusion
Il apparaît important que les municipalités prennent au sérieux la question de la gestion de la performance, laquelle peut permettre, à terme, de conserver leurs ressources et de réduire l’impact de la pénurie de main-d’œuvre sur leur capacité à opérer.

[1]      GOUDREAULT, Zacharie. « Le métier d’inspecteur municipal en perte de popularité, en pleine crise du logement », Le Devoir, 10 juin 2024; GOUDREAULT, Zacharie. « Des villes réduisent leurs critères d’embauche d’inspecteurs municipaux… et s’exposent à des poursuites », Le Devoir, 10 juin 2024.

[2]      BERNIER, Linda, Guy BLANCHET et Éric SÉGUIN. Les mesures disciplinaires et non disciplinaires dans les rapports collectifs de travail, 2e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, feuilles mobiles, en ligne : EYB2023MDN828.

[3]      Costco Wholesale Canada Ltd. c. Laplante, 2005 QCCA 788. Pour des cas d’application dans le secteur municipal, voir notamment : Gagné et St-Bruno-de-Kamouraska (Municipalité de), 2016 QCTAT 1157, par. 32 et ss; Riopel et Saint-Côme (Municipalité de), 2018 QCTAT 5506, par. 86 à 125.

[4]      Syndicat de l’enseignement de la région de la Mitis c. Centre de services scolaire des Monts-et-Marées, 2024 QCCA 1280, par. 25 à 28.

[5]      BERNIER, Linda, Guy BLANCHET et Éric SÉGUIN. Loc. cit., note 2, en ligne : EYB2023MDN828; Paquin c. Caisse Desjardins du Cœur-de-l’Île, 2022 QCTAT 62, par. 70 à 75.

[6]      Forget c. Brasserie Labatt limitée, 2009 QCCRT 126, par. 148.

Me Simon Gagné-Carrier

Avocat

Lavery avocats