Afin de répondre aux différentes exigences et obligations que la loi leur impose, les municipalités doivent investir des sommes significatives dans la formation de leur personnel.


Nous n’avons qu’à penser à l’obtention obligatoire du certificat en captage et réseau élémentaires d’eau potable par tout employé municipal pressenti pour opérer les installations d’eau potable d’une municipalité.


Vu les frais importants que cela peut représenter, il y a lieu de se poser la question suivante : une municipalité peut-elle prévoir, à l’embauche, dans le contrat de travail d’un employé, l’obligation de ce dernier de rembourser les frais de formation dans l’éventualité d’une démission hâtive?


La réponse à cette question est nuancée. Les tribunaux ont confirmé à plusieurs reprises la validité de telles clauses, mais ont également déterminé des paramètres afin que l’obligation imposée à l’employé demeure raisonnable.

 

La validité de la clause de remboursement des frais de formation

L’article 85.2 de la Loi sur les normes du travail[1] (la « LNT ») prévoit que « l’employeur est tenu de rembourser à la personne salariée les frais raisonnables encourus lorsque, sur demande de l’employeur, la personne salariée doit effectuer un déplacement ou suivre une formation ».


Il existe cependant certaines exceptions à ce principe, notamment lorsque la formation en question est un prérequis à l’embauche de l’employé et constitue un actif exportable dans une autre organisation. Dans de telles circonstances, l’employeur peut, en principe, valablement prévoir dans le contrat de travail de l’employé que les coûts liés à ce cours devront lui être remboursés selon certaines modalités.


La clause de remboursement des frais de formation prend généralement la forme d’une obligation pour l’employé de demeurer à l’emploi de l’employeur pour une période déterminée. En cas de démission à l’intérieur de ce délai, l’employeur pourrait, le cas échéant, exiger le remboursement total ou partiel des coûts de la formation.


Cela étant dit, pour qu’une telle clause soit valide, il est pertinent de se référer aux paramètres établis par la jurisprudence en la matière, notamment les suivants :


i.               La clause doit être écrite et rédigée en des termes clairs[2]. Il est plus difficile de démontrer l’existence, puis incidemment la validité d’une entente verbale en la matière.


ii.             L’obligation de payer imposée à l’employé doit être proportionnelle, c’est-à-dire que l’employeur ne doit pas en tirer un bénéfice indu. Il apparaît ainsi important que les conditions de remboursement et la durée d’application de la clause restent raisonnables. Dans une décision[3], la Cour du Québec a étudié la validité d’une clause de remboursement des frais de formation qui prévoyait que l’employé devait demeurer à l’emploi de l’employeur pour une durée de 36 mois et que, à défaut, il devait rembourser la totalité des frais encourus pour une formation de courtier en assurance. Il a été conclu que la clause était valide, mais que, dans les circonstances, l’obligation de l’employé était réductible[4]. Effectivement, l’employeur avait profité de la prestation de travail de l’employé pour une durée de 15 mois suivant la formation. Le tribunal a ainsi ordonné à l’employé de rembourser les frais de formation, mais uniquement au prorata du temps qu’il restait à la durée prévue par la clause, soit un montant équivalent à environ 21/36e des frais totaux;

 

iii.          La clause de remboursement doit viser une formation qui constitue un actif exportable pour l’employé. En d’autres mots, il doit s’agir d’un apprentissage qui procure un bénéfice personnel à l’employé dans la mesure où il pourrait s’en prévaloir auprès d’une autre organisation[5];


iv.         Une telle obligation ne serait valable que dans le cas du départ volontaire d’un employé, et ce, par opposition à une fin d’emploi résultant d’un congédiement ou d’un licenciement. Dans une décision[6], la Cour du Québec constate que le comportement fautif de l’employeur est au cœur de la fin d’emploi d’un employé et conclut que la clause de remboursement des frais de formation est dès lors inapplicable.

 

Conclusion
La municipalité pourrait avoir avantage à inclure dans ses contrats de travail une clause de remboursement des formations obligatoires en vue de l’obtention d’un poste, et ce, dans la mesure où elles constituent un actif exportable.

Cela étant dit, considérant la complexité que peut représenter la rédaction d’une telle clause et le risque lié à une potentielle contravention à l’article 85.2 de la LNT, il apparaît important de consulter un avocat pour vous assister dans le cadre de cette démarche.

[1] RLRQ, c. N-1.1.
[2] Industrielle Alliance, compagnie d’assurances générales c. Lamonde, 2007 QCCQ 9851.
[3] Harmonia Assurances inc. c. Fournier, 2016 QCCQ 1255. Voir aussi : Citébourg inc. c. Bétil, 2010 QCCQ 245.
[4] RLRQ, c. CCQ-1991, art. 1437 et 1623.
[5] Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail c. 9070-1251 Québec inc., 2021 QCCQ 3672; Services d’inspection BG inc. c. Duclos, 2008 QCCQ 11665.
[6] 9184-0611 Québec inc. (École de conduite Baie-Comeau) c. Laprise, 2011 QCCQ 8184. Voir aussi : Corenov Constructeurs inc. c. Rodier, 2023 QCCQ 184.

Me Simon Gagné-Carrier

Avocat

Lavery Avocats