En raison d’un conflit de travail en cours à Postes Canada, la livraison du courrier est actuellement interrompue. Si la grève des employés devait perdurer pendant plusieurs mois, cela risque assurément d’avoir des conséquences majeures sur la perception des taxes municipales. Dans ce contexte, quelles mesures une municipalité peut-elle envisager pour gérer efficacement la situation et en limiter les effets sur les citoyens?

Conformément à l’article 1012 du Code municipal du Québec (« CM ») et à l’article 504 de la Loi sur les cités et villes (« LCV »), le greffier-trésorier est tenu de faire parvenir par la poste, à toute personne inscrite au rôle d’évaluation foncière, une demande de paiement des taxes, plus communément connue sous l’appellation « compte de taxes ».

En l’absence d’alternative prévue par le législateur à l’envoi postal, les municipalités se retrouvent en quelque sorte livrées à elles-mêmes.

En effet, bien que les articles 1007 du CM et 503 de la LCV ne prévoient pas de date spécifique pour le dépôt du rôle de perception des taxes, si ce n’est que d’indiquer que cet exercice ne peut être complété avant le 1er janvier ou tant que le budget de la municipalité n’a pas été adopté, le deuxième alinéa de l’article 81 de la Loi sur la fiscalité municipale (la « LFM ») exige que le greffier-trésorier expédie les comptes de taxes avant le 1er mars de chaque année[1].

Une municipalité dispose donc d’une certaine marge de manœuvre, et ce, en retardant quelque peu le dépôt du rôle de perception. Par un effet domino, l’expédition des comptes de taxes pourrait alors être reportée, à condition toutefois de respecter les délais fixés par la Loi. Cette courte période pourrait cependant ne pas s’avérer suffisante dans le cas où le conflit de travail chez Postes Canada devait se poursuivre.

Comme la municipalité ne peut se passer trop longtemps des revenus provenant de la perception des taxes, celle-ci devra inévitablement transmettre les comptes de taxes aux contribuables. Ces derniers devront alors, en règle générale, acquitter leur paiement dans les 30 jours suivant l’envoi postal des demandes de paiement, sous réserve de la possibilité de régler la somme en plusieurs versements[2].

Cependant, pour exiger le paiement des taxes foncières municipales dans les délais impartis, encore faut-il que les demandes de paiements soient mises à la poste. Advenant que la livraison du courriel soit encore interrompue, la présomption de livraison prévue à l’article 2 (2) de la Loi concernant la Société canadienne des postes ne pourra trouver application. En vertu de cette présomption, le destinataire d’un envoi et censé en avoir reçu livraison si la remise de l’envoi s’est effectuée, notamment, à son lieu de résidence, à son établissement ou dans sa boite postale.

Afin de pallier ces inconvénients, certaines municipalités ont mis en place un mode de transmission supplémentaire, permettant aux citoyens de recevoir leur compte de taxes par courriel. Bien que cette méthode ne corresponde pas au mode de transmission expressément prévu par le législateur, elle constitue tout de même un moyen efficace de favoriser la perception de certains revenus.

Cependant, l’utilisation d’un tel mode de transmission ne saurait justifier l’application à tous les citoyens des délais légaux prévus pour le paiement des taxes. En effet, comme mentionné précédemment, la Loi prévoit que ces délais commencent à courir à compter de la mise à la poste des demandes de paiement. Par ailleurs, il serait inéquitable de rendre les taxes exigibles pour les citoyens qui ne se sont pas inscrits au service de transmission électronique ou qui n’ont pas accès à cette technologie.

Dans ce contexte, il nous apparaît préférable que la municipalité envisage de reporter, par voie de règlement, l’échéance de paiement des taxes, conformément à l’article 252 de la LFM. Il faudra alors établir le délai ultime de paiement, une démarche qui pourrait s’avérer délicate en raison de l’incertitude entourant la durée de la grève.

[1]    Signalons toutefois que lorsque le budget de la municipalité est adopté après le début de l’exercice financier, la date limite du 1er mars pour l’expédition du compte est alors remplacée par la date correspondant au 60e jour qui suit l’adoption du budget (article 83 LFM).

[2]    Articles 1012 du CM et 504 de la LCV.

Me Philippe Asselin

Avocat-associé

Morency Société d’avocats