
Dans un contexte où la pression immobilière s’intensifie au Québec, les municipalités et les villes doivent relever un double défi : augmenter l’offre de logements tout en assurant leur abordabilité. Ce n’est pas tant la distinction théorique entre « logement » et « logement abordable » qui importe, mais plutôt la capacité à mobiliser les bons outils d’urbanisme pour répondre à la nature réelle de la demande. C’est notamment dans le choix entre l’adoption d’un règlement de zonage incitatif et de zonage différencié que cette distinction abstraite devient concrète et stratégique.
Ces deux mécanismes, qui peuvent être perçus comme similaires, traduisent en réalité des approches très différentes. Alors que le premier repose sur la négociation et la flexibilité pour intégrer ou soutenir des objectifs sociaux, environnementaux, d’intérêts public ou patrimoniaux dans des projets privés, le second s’appuie sur une réglementation ciblée pour favoriser spécifiquement la construction de logements abordables ou sociaux.
Le zonage incitatif, introduit à l’article 145.35.1 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme[1] (« LAU ») fonctionne comme un levier de négociation. Il permet à une municipalité d’accorder des assouplissements réglementaires tels qu’une densité accrue, une hauteur bonifiée, une réduction des exigences de stationnement, et ce, en échange de contributions spécifiques du promoteur. Ces contributions, définies à l’article 145.35.2 LAU, peuvent inclure :
- l’intégration de logements abordables sociaux ou familiaux;
- le versement d’une somme d’argent pouvant être utilisée pour la mise en œuvre d’un programme destiné à ces fins;
- l’intégration de conditions permettant d’atteindre des objectifs en matière de performance environnementale;
- la création d’espaces publics; et
- la préservation ou la restauration d’un immeuble à valeur patrimoniale.
Ce mécanisme repose sur une entente discrétionnaire, négociée au cas par cas et autorisée par le conseil municipal. Il offre une précieuse souplesse dans le marché actuel, où chaque projet peut devenir un levier d’aménagement stratégique.
À l’inverse, le zonage différencié, intégré aux articles 145.35.5 et suivants de la LAU, adopte une approche normative. Il permet d’intégrer directement au règlement de zonage des normes de remplacement applicables uniquement à certains types de projets, soit la construction de logements abordables ou sociaux. Ces normes peuvent bonifier la densité ou alléger certaines contraintes, mais elles ne peuvent modifier les usages. Contrairement au zonage incitatif, il n’y a aucune négociation. C’est-à-dire que les conditions sont déjà prévues et s’appliquent automatiquement aux projets admissibles, à condition qu’ils respectent les critères d’abordabilité ou de vocation sociale définis dans le règlement.
C’est dans cette distinction que les motivations des promoteurs deviennent un facteur clé pour choisir le bon outil d’aménagement. Le zonage incitatif attire les promoteurs privés qui cherchent à optimiser la rentabilité de leurs projets en contrepartie d’une prestation répondant aux besoins municipaux. Le zonage différencié, quant à lui, s’adresse davantage aux organismes à mission sociale, qui visent un allègement du fardeau administratif et l’émission de permis plus rapide pour des projets conformes aux normes prévues au règlement.
Conclusion
En définitive, ces deux outils ne s’opposent pas, ils se complètent. Leur usage combiné permet aux municipalités de mieux répondre aux besoins locaux, notamment la disponibilité de logements, mais surtout de leur adéquation avec la capacité financière de la population à y accéder.
[1] RLRQ, c. A-19.1
