Le 19 juin dernier, le gouvernement du Québec a publié un projet de règlement visant à remplacer l’actuel régime transitoire des milieux hydriques en vigueur depuis le 1er mars 2022[1]. Il s’agit du chapitre le plus récent dans la modernisation du cadre réglementaire en milieux hydriques entrepris au printemps 2020.
Régime actuel
Depuis 2017, la Loi sur la qualité de l’environnement interdit toute intervention dans les milieux humides et hydriques sans autorisation du ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP)[2].
En 2022, l’entrée en vigueur du régime transitoire abroge la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables et impose une réglementation uniforme dont l’application est déléguée aux municipalités locales. À ce titre, le projet de règlement ne laisse pas tomber cette approche d’application déléguée.
Le régime transitoire est présentement composé de trois règlements : le Règlement sur l’encadrement d’activités en fonction de leur impact sur l’environnement (REAFIE), qui délimite le champ d’action du MELCCFP en exemptant certaines interventions de l’obtention d’une autorisation préalable ou en prévoyant que certaines peuvent faire l’objet d’une déclaration de conformité, à certaines conditions; le Règlement concernant la mise en œuvre provisoire des modifications apportées par le chapitre 7 des lois de 2021 en matière de gestion des risques liés aux inondations, qui prévoit quelles interventions exemptées d’une autorisation ministérielle doivent faire l’objet d’une autorisation délivrée par une municipalité locale; et le Règlement sur les activités dans des milieux humides, hydriques et sensibles (RAMHHS), qui prévoit les normes à suivre lors des interventions en milieux hydriques et humides.
Cet article vise à présenter les grandes lignes de ce projet, qui pourrait être édicté dès le 17 octobre 2024, pour une entrée en vigueur 180 jours suivant sa publication.
Un seul règlement!
Le projet de règlement intègrerait les trois règlements nommés ci-haut en un seul règlement d’application municipale : le Règlement sur l’encadrement d’activités sous la responsabilité des municipalités réalisées dans des milieux hydriques et sur des ouvrages de protection contre les inondations (« Règlement d’application municipale sur les activités en milieux hydriques »).
Pour les milieux hydriques, on retrouve les normes aux articles 16 à 36, les dispositions relatives aux permis aux articles 37 à 60 et les conditions d’interventions aux articles 61 à 102.
Oups! Deux règlements?
Le projet omnibus comprend aussi l’adoption d’un règlement qui régirait les mesures transitoires applicables à un changement de délimitation – tel que nous le verrons ci-bas – et aux activités en cours de réalisation ou qui ont fait l’objet d’une autorisation[3].
Nouvelle classification des zones inondables
Le Règlement d’application municipale sur les activités en milieux hydriques introduirait une autre classification fondée sur un nombre plus important d’aléas que la seule récurrence des inondations, soit :
- classe très élevée;
- classe élevée;
- classe modérée;
- classe faible.
Cette classification s’appliquera aux municipalités locales à mesure que les zones inondables sur leur territoire seront cartographiées conformément à la LQE. Entre-temps, les zones inondables telles que délimitées par le régime transitoire demeureront applicables[4].
Les aléas évalués seront, selon le projet de guide méthodologique : l’inondation à l’eau libre, l’inondation par embâcle de glace, les aléas liés à la mobilité ainsi que les aléas maritimes[5]. Cette évaluation pourra également mener à la délimitation de zones de mobilité.
Cette nouvelle délimitation vise entre autres à tenir compte de la profondeur de l’eau libre risquant d’inonder, de l’impact des changements climatiques ainsi que de la présence de certains ouvrages de protection contre les inondations[6].
Zones de mobilité
Les nombreux méandres et l’érosion rapide de certains cours d’eau mènent à la création de ces nouveaux types de zones que le Règlement d’application municipale sur les activités en milieux hydriques proposé définit ainsi :
« Un espace dans lequel le lit du cours d’eau peut se déplacer en raison de différents processus physiques dont l’érosion et la sédimentation, et dont les limites sont établies conformément aux articles 46.0.2.1 à 46.0.2.3 de la Loi[7]. »
La délimitation de ces zones est également en suspens, en attente des cartes ministérielles qui utiliseront également la nouvelle classification selon les aléas multiples. Ces nouvelles zones de mobilités seraient divisées en deux classes d’intensité : mobilité court terme ou long terme[8].
L’encadrement serait fait de manière similaire aux différentes classes de zone inondable, en ce sens que si la zone de mobilité est court terme, les interventions seront sévèrement encadrées. Par exemple, l’implantation d’un bâtiment résidentiel et de ses ouvrages et bâtiments accessoires y serait interdite[9]. Pour les zones de mobilité long terme, il y aura plus d’interventions possibles, notamment l’implantation d’un bâtiment non résidentiel à certaines conditions[10].
Ouvrages de protection contre les inondations
Le Règlement d’application municipale sur les activités en milieux hydriques proposé innove en ce qu’il viserait maintenant les ouvrages de protection contre les inondations. Plus précisément, le projet de règlement désigne comme « ouvrage de protection contre les inondations » la zone située entre trois mètres en aval et trois mètres en amont de l’ouvrage, comme défini par le nouveau règlement proposé intitulé Règlement sur les ouvrages de protection contre les inondations (ROPI).
Le Règlement d’application municipale sur les activités en milieux hydriques proposé vise donc à protéger ces zones autour des ouvrages de protection en réglementant les interventions qui peuvent être faites. Le ROPI vise plus directement les ouvrages de protection.
Les normes se retrouveraient aux articles 103 à 108, les dispositions relatives aux permis aux articles 109 à 114 et les conditions d’interventions aux articles 115 à 130.
Objectif de protection applicable
Les nouvelles conditions d’interventions réfèrent au concept d’« objectif de protection applicable ». Cet objectif correspond « au niveau de sécurité recherché pour le plancher du rez-de-chaussée pour les bâtiments ou le niveau le plus haut de l’ouvrage afin de minimiser les risques de dommages en cas d’inondation ». Cet objectif remplacerait la mesure de 30 cm au-dessus de la cote de crue de récurrence de 100 ans prévue par certaines conditions d’intervention du régime transitoire actuel[11].
L’annexe III du Règlement d’application municipale sur les activités en milieux hydriques prévoit les niveaux de protection applicables en fonction de la zone et de l’activité.
Beaucoup de nouvelles notions ont été omises dans le présent article, mais sont dignes de mention, notamment le Plan de gestion des risques liés aux inondations que les MRC pourront dorénavant adopter ainsi que les nouvelles définitions concernant la démolition et la reconstruction qui intègrent des pourcentages. Bon apprivoisement!
[1] GO Partie II 19 juin 2024, no 25.
[2] Art. 22 (par. 4).
[3] Art. 4 du projet de Règlement concernant les règles transitoires applicables en cas de changement à la délimitation des zones inondables et des zones de mobilité ainsi que celles applicables à la mise en œuvre des règlements instaurant un nouveau régime d’aménagement dans les zones inondables et encadrant les ouvrages de protection contre les inondations.
[4] Art. 5. du Règlement d’application municipale sur les activités en milieux hydriques.
[5] Voir : https://www.environnement.gouv.qc.ca/ministere/consultation-modernisation/guide/methodologique.pdf.
[6] Voir paragraphe introductif des projets de règlement et le document méthodologique.
[7] Art. 5 Règlement d’application municipale sur les activités en milieux hydriques.
[8] Id. art. 7.
[9] Id.
[10] Art. 54 (par. 1).
[11] Art. 38.6, 38.9 et 38.11 RAMHHS.