Pour certains, les règles d’appel d’offres peuvent parfois sembler contraignantes. Dans un tel contexte, il peut arriver que des municipalités soient tentées d’octroyer plusieurs contrats de moindre valeur plutôt qu’un seul, évitant ainsi de dépasser les seuils d’appel d’offres. Or, les articles 938.0.3 du Code municipal et 573.3.0.3 de la Loi sur les cités et villes prévoient qu’une municipalité ne peut diviser un contrat en plusieurs contrats en semblable matière, sauf si cette division est justifiée par des motifs de saine administration.
Scinder ou diviser un contrat, c’est donner plusieurs contrats plutôt qu’un seul, par exemple pour un même service ou le même type de travaux, faisant en sorte de diminuer la dépense encourue par contrat et potentiellement de soustraire l’octroi de ceux-ci aux règles d’appel d’offres.
La division de contrats n’est pas en soi interdite. Selon les motifs au soutien de sa décision, une municipalité pourra diviser un contrat. L’important est donc que la Municipalité soit en mesure de justifier sa décision. Pourquoi la Municipalité veut octroyer plusieurs contrats pour tel projet? Pour tel service?
À titre d’exemple, pour des motifs de sécurité publique et d’efficacité du service, l’octroi de plusieurs contrats de déneigement pour des secteurs distincts a été considéré valide[1]. Aussi, certains programmes d’aide financière requièrent l’octroi de plusieurs contrats. Le respect de ces programmes pourrait constituer un motif de saine administration.
Les Municipalités peuvent également exécuter des travaux en régie, en concluant, lorsque requis, différents contrats directement avec les fournisseurs pour des services et travaux devant mener à la réalisation de projets. Pour ce faire, en plus de justifier sa décision par des motifs de saine gestion, la municipalité doit toutefois s’assurer d’avoir les ressources humaines compétentes pour superviser l’exécution des travaux et de respecter l’ensemble des règles applicables, notamment quant à la détention des licences requises.
À l’effet contraire, a été considéré comme une division illégale de contrats, l’octroi d’un contrat constitué d’heures d’utilisation de machinerie, divisé en deux courtes périodes successives[2]. De même, l’achat d’équipements en pièces détachées est minimalement suspect s’il n’y aucune justification à ce type d’achat.
Ainsi, avant de procéder à l’octroi de plusieurs contrats en semblable matière, la municipalité doit s’assurer d’être en mesure de justifier cette décision par des motifs de saine administration.
Une analyse préalable des besoins de la municipalité permet d’éviter les surprises et de bénéficier de délais suffisants pour entreprendre les processus d’appel d’offres applicables.
Afin d’éviter les reproches, une municipalité peut toujours décider de procéder à des appels d’offres pour des contrats en apparence connexes, même si les montants concernés ne requièrent pas de le faire. En agissant ainsi, elle pourrait difficilement se faire reprocher d’avoir divisé un contrat pour éviter les règles d’appel d’offres. Ceci dit, le fait de procéder par appel d’offres n’est pas en soi suffisant pour permettre la division d’un contrat, celle-ci devant toujours être justifiée par des motifs de saine administration.
[1] Lefebvre c. Saint-Cyrille-de-Wendover (Municipalité), 2005 QCCS 2176, 9012-8067 Québec inc. c. Rawdon (Municipalité de),2013 QCCS 5570
[2] Québec (PG) c. Fortin¸ 2019 QCCS 1215